Quand les compositeurs eux-même jouent leurs pièces...

J'ai découvert sur Youtube un tas de ces enregistrements... Parfois de très mauvaise qualité, mais toujours très émouvant... C'est quand même fou, quand on pense connaître une œuvre, de voir comment elle a été conçue au départ... Il n'y a pas vraiment de mot pour décrire ça... La pièce devient tout de suite parfaitement claire... (Bien sûr, l'apport d'autres interprètes sur ces mêmes pièces ne saurait être discuté ici. On ne cessera jamais, par l'analyse approfondie, de découvrir d'autres interprétations cachées dans chacune des œuvres.)

Pour commencer : Debussy
Tout simplement fabuleux... Un pianiste extraordinaire...

1 - La Soirée Dans Grenade. Cette pièce si calme et sereine... On imagine tout à fait une soirée d'été, chaude et douce... On remarque la façon dont Debussy mêle à la fois la sérénité et ces accords arpégés et brillants si caractéristiques, donnant une dimension très riche au morceau... La basse qui apparaît comme hésitante (sur un style de rythme habanera, ou en syncopes maladroites) supportant merveilleusement une mélodie montrant tour à tour une ruelle étroite et sombre, et un boulevard où une fête se prépare, mais que l'artiste fuit bien vite...
2 - Golliwog's Cake Walk (Le cinquième et dernier morceau des Chlidren's Corner). Ici, ont remarque tout de suite le jeu très particulier, appuyant des tonalités jazz très modernes (on est à peine ici aux débuts des jazz américains) très enrobées de pédales. Rien d'agressif dans ce morceau comme on a pu entendre parfois, mais juste une petite danse joyeuse... ("Golliwog" est un nom de poupée chez les nègres (sans péjoratif je vous prie) de l'époque, et "cake-walk" une danse, ancêtre du ragtime et du foxtrot).
3 - L'Arbesque n°2. une surprise pour moi... J'adore vraiment ce morceau (j'ai d'ailleurs travaillé la n°1 ), je le connais vraiment par cœur, et j'ai été surpris par la vitesse d'exécution contrastant avec cette facilité de jeu (digne d'un immense pianiste). C'est un autre aspect du morceau que je découvert : la joie d'une danse (je sais pas vraiment à quoi "arabesque" se réfère, d'autres compositeurs en ont écrit...). Remarquez surtout la finesse du jeu : chaque note est à sa place, sans qu'aucune ne soit inutile... Chaque appogiature est merveilleusement exécutée, sans lourdeur... (Je tiens à préciser que le "piano roll" signifie que cet enregistrement a été effectué à partir d'un rouleau à trous qu'un piano mécanique est capable de lire (j'en ai un très vieux dans un débarras dans les Landes avec les rouleaux , il faut vraiment que je prenne le temps de le remettre en état). Le rouleau est fidèlement réalisé par rapport au jeu du pianiste. C'est pourquoi l'enregistrement est d'une aussi bonne qualité je pense)

Fauré

La Pavane. Un morceau mythique... (Que chacun est en devoir de connaître par cœur). J'ai honnêtement rarement entendu quelque-chose d'aussi émouvant. C'est un morceau que je ne soupçonnais pas aussi chargé d'émotions et d'images à la fois mélancoliques et joyeuses... Comme un retour sur des joies passées... Fauré a un jeu pianistique d'une maîtrise absolue, opposant des hésitations dans le jeu (qui révèlent sûrement la mélancolie enrobant le morceau) et une puissance d'émotion rare, sans lourdeur, sans stéréotype... C'est tout simplement magnifique.

Scriabin (un Russe)

Etude op. 8 n°12. Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette série d'étude, elle est vraiment à écouter. Ici, on est ébloui par la virtuosité du pianiste, son jeu puissant... On ferait une belle analogie avec les études de Chopin : une étude qui se sert du prétexte de la virtuosité pour faire passer une belle émotion, une étude qui peut être appréhendée à part entière, et tout à fait détachée de son titre seulement formel. A écouter en boucle.


Grieg (Vous excuserez la qualité des enregistrements )

1 - Un extrait de la Sonate pour Piano. C'est un morceau magnifique, que Grieg joue avec émotion, mais sans réellement l'offrir au public... J'imagine plus cet enregistrement comme une capture intime : l'auteur joue pour lui, et c'en est magnifique (c'est juste une interprétation hein ? J'imagine qu'à l'époque, pour se faire enregistrer, il suffisait pas de mettre un micro dans la plante à côté du piano ). C'est le genre de morceau qui vous reste dans la tête...
2 - Remembrances : tout est dans le titre... Un jeu posé égrainant quelques souvenirs, passant de l'un à l'autre, hésitant...
3 - Butterfly le vol désordonné et gracieux d'un papillon (qui n'est pas sans rappeler l'œuvre de Schumann du même nom).

Rachmaninov

1 - Le Prélude en do dièse mineur. Un morceau assez connu aussi. Je ne m'appesantirai pas sur la virtuosité de Rachmaninov (ce serait indécent envers d'autres pianistes moins talentueux ). Le contraste entre la première partie très posée et la deuxième plus envolée (les mouvements de caméra sont je pense très significatifs , repérez aussi le passage à partir de 2:31, où la musique est transcrite sur 4 portées à la fois).
2 - Le prélude op.23 n°5. un deuxième prélude, mais pas du tout le même univers : ici une marche plus joyeuse représentant tout à fait le génie du virtuose.
3 - Et puis un extrait du Concerto pour piano n°3. Tous ses concertos pour piano (6 en tout je crois) sont des merveilles... Cet enregistrement de bonne qualité est un bonheur à écouter...


Voilà, si vous cherchez bien, vous en trouverez d'autres. Une dernière petite vidéo pour vous montrer à quel point certains sont passionnés, et restaurent des enregistrement inaudibles : Un enregistrement de Brahms et un deuxième (deux autres restaurations). Après une voix incompréhensible (celle de Brahms ?), on entend un piano derrière (sisi !).

Quelques-unes en plus :

Ravel
1 - La Pavane pour une Infante Défunte. Sûrement le plus beau morceau de Ravel... Cet enregistrement en piano roll (cf dessus) est sans pédale, ce qui rend l'interprétation assez étonnante... Mais assez représentative du jeu de Ravel je pense. Une réflexion posée, parfois animée de soubresauts assez forts, mais courts. Le morceau est magnifique : le thème assez simple mais émouvant, ancré dans un contraste entre une mélodie très romantique et un accompagnement tout à fait représentatif de Ravel (et de l'époque).
Pour comparaison, je vous propose la version pour piano (l'originale), et la version orchestrale (la retranscription du morceau par Ravel).
2 - La Vallée des Cloches (n°5 de "Miroirs"). (Ici sûrement un vrai enregistrement). Il joue le morceau de façon très posée par rapport à l'interprétation que l'on entend habituellement... Et ça donne toute son ampleur au morceau : ces balancements en rythmes hésitants et désordonnés, donnant la nette impression d'un carillon, mais toujours ce voile ambiant qui projette l'œuvre comme dans un rêve...
3 - Oiseaux Tristes (n°2 de "Miroirs"). Ici, on observe surtout les "piaillements" aigus supportés par une basse lourde (un paysage forestier, sombre ?), et parfois l'envol des oiseaux (1:45)... Ravel appuie volontiers sur l'aspect animal, comme un mimétisme de vrais oiseaux, mais en gardant toujours cette lourdeur ("triste") humanisante ?


Bartok

1 - Suite pour piano op. 14. Évidemment, c'est Bartok... Donc tout le monde n'est pas obligé d'aimer... Là, c'est une œuvre que je découvre, donc pas de commentaire sur la forme (pour l'instant). En tout cas, à première écoute, j'aime beaucoup. Je connaissais pas d'œuvre pour piano de Bartok (de longue œuvre je veux dire).
2 - Danse Roumaine n°1. Je connaissait pas non plus. Bartok est à découvrir !


Je m'excuse d'ailleurs de ne proposer que du piano, mais j'ai pas trouvé autre chose (j'ai pas vraiment cherché en fait )

Effectivement, dur dur de trouver autre chose que du piano.

Un petit peu de Philip Glass, ça vous tente?

Mad rush
Mad rush (autre vidéo, 2:30, début du morceau)
Metamorphosis
Metamorphosis, quatrième mouvement
L'ouverture de glassworks
Escape
Au piano dans le Philip Glass ensemble, interprétant Train/Spaceship


Enfin pour varier un peu du piano voilà Glenn Branca, effectuant un solo à la guitare électrique. (Ses œuvres sont souvent qualifiées de cacophoniques, allez savoir pourquoi.)
Et sur une note un chouilla plus légère, Koji Kondo jouant le thème de mario

On reconnait quand même quelques note de guitare à 0:58 et 1:01 dans la vidéo de Glenn Branca !!